Roman chapitre VIII complément suite

SUITE

Le lendemain matin, dans le réfectoire, déserté par les joyeux parapentistes, Laetitia et Maurice se retrouvèrent :

«Salut Maurice, je prendrais bien un petit café »

« Comme tu es une amatrice de café, je te conseille plutôt de prendre un chocolat » lui suggéra son ami.

Ils prirent place à côté d’un religieux manifestement du lieu et qui se présenta aussitôt avec un grand sourire ;

«  Bonjour, je suis le père Javier, en charge, notamment des groupes de jeunes français. Vous n’êtes pas avec le père Romain ? »

« Non, nous sommes en individuels » répondit Maurice. « En fait, nous faisons seulement escale chez vous pour la nuit car nous sommes sur le chemin de retour pour la France et on voulait faire un petit détour pour voir le lieu. Recevez-vous beaucoup de groupes de français chez vous l’été ?

« Oui, pas mal. On a beaucoup de demandes, surtout pour les départements du sud-ouest, mais parfois plus loin, Paris ou même le nord. Le problème c’est lorsqu’un groupe se désiste au dernier moment, comme celui de Lyon. Ok, ce n’était pas de leur faute, c’est leur aumônier qui a eu un accident de moto, mais trente personnes de moins ça se sent ! »

« Leur aumônier, l’accident c’est grave » demanda aussitôt Maurice.

« Ça va mieux maintenant, mais il a eu de la chance ; tu le connais ? »

« Heu ! Peut-être, A l’aumônerie, le Père Etienne, c’est un motard, C’est lui ? »

« Oui, je le connais, ce n’est pas la première année qu’il vient avec ses jeunes. Et toi tu ne t’étais pas inscrit ? »

« Finalement non…heu. Ça n’allait pas trop bien pour les dates »

« Eh ! bien finalement c’est toi qui est passé à Loyola et les autres qui ont dû rejoindre un autre centre plus près de Lyon…Veinard ! Bon, Il faut que je vous laisse, bonne route et peut-être à l’an prochain ? »

Quelques temps plus tard, dans la voiture qui filait à 110 Km heure dans les descentes Laetitia qui conduisait très décontractée, rompit le silence qui pour une fois semblait bien installé.

« Tu ne dis rien, tu es inquiet pour ton curé-aumônier. Le père Javier t’a pourtant dit qu’il allait mieux maintenant. »

« Oui, je me sens un peu rassuré, encore que , qu’est-ce que cela veut dire «  mieux » c’est relatif…mais il y a un autre truc qui m’embête, mais c’est un peu perso »

«  C’est quoi, je suis ton amie, tu peux tout me dire si tu veux et puis je suis extérieure à cette affaire » lui dit doucement Laetitia.

« En fait, t’es un peu concernée »

« Alors là, il faut que tu m’expliques, tu ne peux plus te défausser »

« Bon » dit-il en soupirant  « j’espère que tu ne m’en voudras pas trop !

En juin, je m’étais inscrit pour ce camp à Loyola, en août, les parents étaient ravis, mais c’est à ce moment-là que tu as parlé de tes vacances, que tu n’avais rien prévu, que tu aurais bien été en Espagne…que tu ne semblais pas hostile à partir avec moi et moi je n’avais jamais osé espérer qu’on parte en vacances ensemble ! Espagne, Italie, peu importait, mais partir avec toi ! Alors je me suis désinscrit en disant que mes parents avaient changé leurs vacances et que je devais partir avec eux »« Tu as fait ça !

Et à tes parents qu’est-ce que tu as dit ? » Interrogea-t-elle.

« Je ne leur ai pas dit que je m’étais désinscrit, et maintenant.. »

« Tu vas bien être obligé car finalement le séjour n’a pas eu lieu à cause de l’accident de ton curé-motard ! » hurla-t-elle en se tournant vers lui. Alors elle mit le clignotant, rétrograda à toute allure et stoppa le véhicule assez violemment sur une petite aire de service opportune et devant Maurice médusé, elle croisa les  bras et attendit ! Comme rien ne venait, Maurice était encore complètement scotché, elle lui déclara plus posément :

« Alors tu as menti à tes parents, tu as menti à ton curé-motard….pour venir avec moi ! Et à moi, tu as menti aussi ? Tout ce que tu m’as débité depuis le début c’est faux ! Et ton Amoris Laetitia, je ne sais plus ce que c’est, mais en tout cas ce n’est pas Amoris véritatis ! » Et elle détourna la tête car elle sentait les larmes remonter vers ses yeux et elle ne voulait pas «  jouer à la pauvre fille qui pleure »

Il se passa un long moment avant que Maurice ne prenne la parole. Il commença d’une voix à peine audible et comme s’il se parlait a lui-même, il ne regardait pas Laetitia (Il ne vit pas qu’elle était sur le point de pleurer)  et même au fur et à mesure il baissait la tête comme accablé.

« Lorsque j’ai raconté des salades aux parents, je me suis justifié en me disant que c’était bien de leur faute car ils me défendait toujours tout ; lorsqu’il a fallu que je trouve une excuse à l’aumônerie, je n’étais pas trop fier, mais je me suis justifié en me disant que je m’étais inscrit encore pour faire plaisir aux parents. »

«  Et pour moi, c’est quoi l’embrouille et c’est quoi ta nouvelle justification ! » Ironisa Laetitia d’une voix tout de même bien voilée.

Là, Maurice était au pied du mur, il sentait bien que leur amitié ne résisterait pas à un nouveau mensonge, ou à une demi-vérité, comme l’idée lui en était d’abord venue. Il éprouvait une  honte rampante, une sorte de dégoût pour lui-même et encore plus fort la peur de perdre l’amitié de Laetitia. Ce fut cette idée de perdre Laetitia qui lui permit d’ouvrir à nouveau la bouche.

« Quand tu m’as dit que tu n’avais pas de plan pour l’été et que tu cherchais à partir quelque part avec quelqu’un, un copain et que je me suis proposé et que tu m’as accepté, je me moquais bien de l’Espagne du nord ou de l’Italie du sud, la seule chose qui comptais pour moi, c’était d’aller en vacances, seul, avec une fille plutôt pas moche, et d’essayer de »…. « L’approcher de près » finit-il par murmurer.

« Approcher de près, ça veut dire coucher avec, c’est ça ! Réponds ! »

« Heu ! Oui, mais seulement si tu avais bien voulu ! »

« Mais qu’est-ce qui te faisait croire que j’aurais pu bien vouloir » continua Laetitia.

« À l’aumônerie, il y a beaucoup de filles, mais elles sont toutes coincées… » commença Maurice.

« Et moi, comme je ne vais pas à l’aumônerie, je suis réputée ne pas être coincée c’est à dire plutôt le genre « fille facile », c’est ça ! Avoue ! »

Maurice n’arrivait pas à prononcer ce OUI. Il leva les yeux, mais Laetitia ne le regardait pas. Pendant l’arrêt prolongé, une buée épaisse s’était formée sur les vitres à l’intérieur, alors il écrivit sur le parebrise devant Laetitia, OUI et il rebaissa la tête, lorsqu’il la releva, il lut : Et alors ?

Et pendant un temps qui leur parut assez long, ils remplirent les vitres de la voiture de leurs graffitis, quelques mots répondant à une courte phrase. Lorsqu’il ne resta plus que le rétro pour écrire…le soleil apparut soudain au milieu des nuages qui les accompagnaient depuis le matin. Les mots brillaient, les phrases de pardon scintillaient et, comme un arc en ciel, annonçait une nouvelle alliance ils sortirent de la voiture tout étourdis et firent quelques pas sur le chemin qui s’amorçait sur la droite. Maurice se sentait heureux et léger. Une phrase de l’Évangile : « la vérité vous rendra libre » lui revint en mémoire. Laetitia aussi souriait :

« On l’a échappé belle » murmura-t-elle.

« Oui, je te remercie, maintenant je peux vraiment te dire mon amie »

« Alors viens vite, mon ami, on n’est pas encore rendu comme disait ma grand-mère »