Roman prologue

Le grand roman de l’été.

La joie de l’amour

Une exhortation à Maurice et Laetitia par le pape François

 

Il s’appelait Maurice, ce n’était pas un prénom très à la mode, mais c’était celui de son père et dans la famille, tous les ainés mâles portaient traditionnellement  le prénom de leur père et il ne lui était jamais venu à l’idée d’en désirer un autre (je parle du prénom ).

Aujourd’hui, il était doublement heureux car c’était enfin les vacances et il avait réussi à convaincre sa colocataire, qu’il trouvait de plus en plus à son goût, d’aller faire du camping «  sauvage » en Espagne du nord, là où on pouvait encore le faire discrètement. C’était l’heure de la sieste et chacun lisait ou faisait semblant. Il avait juste emporté un exemplaire du livre de son parrain François car le titre lui avait plu «  La joie de l’Amour » et il l’avait ouvert en rêvant. Il avait expliqué à ses parents plutôt bien cathos qu’il allait, avec des amis de l’aumônerie, sur les traces de St Ignace de Loyola et quand on avait vu qu’il avait pris ce livre, on ne lui avait pas posé davantage de questions.

Laetitia avait choisi ce colocataire, car il paraissait ordonné, propre (il utilisait régulièrement la salle de bains et correctement le lave-linge ), qu’il ne fumait pas et qu’il avait des parents qui se portaient caution pour le loyer. Elle avait accepté ce voyage car elle ne connaissait pas cette partie d’Espagne, qu’elle aimait bien la nature et que ledit Maurice (quel prénom ridicule en 2016, mais elle commençait à ne plus y faire attention) lui avait promis de faire «  tout de même » quelques musées…elle n’avait pas eu de souci avec ses parents qui ne savaient pas très bien où et avec qui elle était partie : elle avait 20 ans et eux à son âge ….. Ils lui avaient donné ce prénom de Laetitia à cause d’une chanteuse qu’ils aimaient bien et sur les airs de laquelle ils avaient dansé jadis lorsqu’ils l’attendaient. Et comme elle n’était pas passée par la case «  baptême », ni par la case «  latin » elle ne savait pas que son nom voulais dire «  Joie ».

Il avait donc ouvert  le petit livre et se décidait à sauter le bla bla de l’introduction lorsqu’il eut l’esprit attiré par la phrase «  Le Temps est supérieur à l’Espace ». En scientifique qu’il était cela lui ouvrait des perspectives, même s’il n’avait pas encore sérieusement abordé «la relativité». Ses pensées dérivèrent rapidement vers l’univers et «  la flèche du temps » dont son prof de philo (jésuite) lui avait parlé et nos limites humaines, vers son propre temps à lui, puis finalement vers ce temps de vacances avec cette Laetitia, ces deux semaines de temps de sa propre histoire qui allaient peut-être infléchir le cours de sa vie. Durant l’année, il n’avait pas trop prêté attention à l’actualité de l’Eglise , ni aux conversations familiales parfois enflammées entre les membres d’une famille nombreuse où les  choix de vie ne reflétaient pas toujours le modèle parental surtout si on étendait la famille à la génération des cousins et cousines.  En fait c’était un peu ce que disait le livre : «  encourager chacun à être un signe de miséricorde et de proximité là où la vie familiale ne se réalise pas parfaitement et ne se déroule pas dans la paix  et la joie. » ( AL 5 ). Il aimait bien aussi ce qui était dit sur les traditions et les défis culturels : « les cultures sont très diverses entre elles et chaque principe général a besoin d’être inculturé, s’il veut être observé et appliqué » ( AL 3 ). Cela lui rappelait la première fois qu’il était allé à l’aumônerie à une «  messe africaine » : un peu dérouté au début, mais rapidement séduit par le rythme de vie et de joie. Après ces premières pages d’introduction, qu’il avait finalement lues jusqu’au bout, ce qui l’étonnait le plus c’était de tout comprendre et d’avoir un sentiment d’adhésion comme si le « bon sens » pouvait faire partie d’un texte aussi sérieux, discuté aussi longuement par des cardinaux  ceux-là mêmes qu’il avait aperçu, de temps en temps aux infos, dans leur amples vêtements pourpres d’un autre âge. Au travers de certaines échauffourées familiales sur des sujets autour du mariage par exemple, il n’avait pas eu l’impression que «  les familles ne sont pas d’abord un problème, mais une opportunité » ( AL 7 ).

En attendant, Laetitia s’était endormie sur son livre, il la regarda un moment en souriant et ne tarda pas à sombrer lui-aussi dans le sommeil d’une des premières siestes estivales : ils avaient vingt ans, mais pas mal de sommeil à rattraper.